La jeune Veuve
La perte d'un époux ne va point sans soupirs. On fait beaucoup de bruit; et puis on se console:
Sur les ailes du Temps la tristesse s'envole,
Le Temps ramène les plaisirs. Entre la veuve d'une année
Et la veuve d'une journée
La différence est grande; on ne croirait jamais
Que ce fût la même personne:
L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits [1]. Aux soupirs vrais ou faux celle-là s'abandonne;
C'est toujours même note et pareil entretien;
On dit [2] qu'on est inconsolable;
On le dit, mais il n'en est rien,
Comme on verra par cette fable,
Ou plutôt par la vérité. *
L'époux d'une jeune beauté
Partait pour l'autre monde. À ses côtés, sa femme
Lui criait: « Attends-moi, je te suis; et mon âme,
Aussi bien que la tienne, est prête à s'envoler. »
Le mari fait seul le voyage [3]. La belle avait un père, homme prudent et sage;
Il laissa le torrent couler. À la fin, pour la consoler:
« Ma fille, lui dit-il, c'est trop verser de larmes:
Qu'a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes?
La Jeune Veuve Poeme La Jolie Rousse
La Jeune Veuve
Gravure de Martin Marvie d'après Jean-Baptiste Oudry, édition Desaint & Saillant, 1755-1759
Auteur
Jean de La Fontaine
Pays
France
Genre
Fable
Éditeur
Claude Barbin
Lieu de parution
Paris
Date de parution
1668
Chronologie
La Discorde
À Madame de Montespan
modifier
La Jeune Veuve est la vingt-et-unième fable du livre VI de Jean de La Fontaine situé dans le premier recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en 1668. La Fontaine s'inspire de la fable d' Abstémius "La femme qui pleurait son mari mourant et son père qui la consolait". C'est la dernière fable du premier recueil [ 1]. La fable La Discorde, qui la précédait, était allégorique et sérieuse; La Jeune Veuve apporte une tonalité joyeuse pour terminer le recueil. La morale de la fable y est explicite, et arrive dès le début du poème, en seize vers. Texte [ modifier | modifier le code]
LA JEUNE VEUVE
[Abstemius]
Illustration de Benjamin Rabier (1906) (fin)
« La perte d'un époux ne va point sans soupirs.
La Jeune Veuve Poème Et Pensée
» ( hyperbole). - Eudémonisme (= philosophie qui repose sur le fait que le bonheur est le but premier de la vie):
* jeu sur les temps: plaisir au présent, tristesse au passé. * insistance sur sa jeunesse (vers 16/44): « On se plonge soir et matin / Dans la fontaine de Jouvence » => idée de profiter de la jeunesse. -> La Fontaine montre une veuve qui au départ est triste puis retrouve le bonheur => eudémonisme de La Fontaine et hédonisme (recherche du plaisir contrôlé). Cette vision de la vie fondée sur la recherche du plaisir et du bonheur est condamnée par la morale chrétienne dominante de l'époque => Contestation de la religion. Conclusion
Finalement, Jean de la Fontaine ne condamne pas la veuve car son comportement est naturel. Par une fable bien structurée et l'omniprésence du temps, La Fontaine réussi à nous faire comprendre qu'il est important de profiter de la vie. En effet, celle-ci n'est pas éternelle et le temps guérit les blessures de la vie. Questions possibles:
- Quel est l'intérêt du Texte?
La Jeune Veuve Poeme Et Pensee
À la fin, pour la consoler,
Ma fille, lui dit-il, c'est trop verser de larmes:
Qu'a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes? Puisqu'il est des vivants, ne songez plus aux morts. Je ne dis pas que tout à l'heure
Une condition meilleure
Change en des noces ces transports;
Mais, après certain temps, souffrez qu'on vous propose
Un époux beau, bien fait, jeune, et tout autre chose
Que le défunt. - Ah! dit-elle aussitôt,
Un Cloître est l'époux qu'il me faut. Le père lui laissa digérer sa disgrâce. Un mois de la sorte se passe. L'autre mois on l'emploie à changer tous les jours
Quelque chose à l'habit, au linge, à la coiffure. Le deuil enfin sert de parure,
En attendant d'autres atours. Toute la bande des Amours
Revient au colombier: les jeux, les ris, la danse,
Ont aussi leur tour à la fin. On se plonge soir et matin
Dans la fontaine de Jouvence. Le Père ne craint plus ce défunt tant chéri;
Mais comme il ne parlait de rien à notre Belle:
Où donc est le jeune mari
Que vous m'avez promis?
Voltaire (1694-1778) Recueil: Épîtres, stances et odes
Jeune et charmant objet à qui pour son partage Le ciel a prodigué les trésors les plus doux, Les grâces, la beauté, l'esprit, et le veuvage, Jouissez du rare avantage D'être sans préjugés, ainsi que sans époux! Libre de ce double esclavage, Joignez à tous ces dons celui d'en faire usage; Faites de votre lit le trône de l'Amour; Qu'il ramène les Ris, bannis de votre cour Par la puissance maritale. Ah! ce n'est pas au lit qu'un mari se signale: Il dort toute la nuit et gronde tout le jour; Ou s'il arrive par merveille Que chez lui la nature éveille le désir, Attend-il qu'à son tour chez sa femme il s'éveille? Non: sans aucun prélude il brusque le plaisir; Il ne connaît point l'art d'animer ce qu'on aime, D'amener par degrés la volupté suprême: Le traître jouit seul… si pourtant c'est jouir. Loin de vous tous liens, fût-ce avec Plutus même! L'Amour se chargera du soin de vous pourvoir. Vous n'avez jusqu'ici connu que le devoir, Le plaisir vous reste à connaître.